Massages et voyages à Bali

En septembre 2016, je suis partie à Bali pour me former au massage traditionnel. 


Cette expérience fût une grande première ! J'avais déjà eu l'occasion de faire des voyages mais toujours en famille ou avec des amis, jamais seule. 

J'ai dû dépasser ma peur de l'inconnu, accepter de lâcher le contrôle afin de  pouvoir découvrir cette expérience avec les yeux de l'émerveillement, sans comparaison avec ce que je connaissais jusque-là.

 

Pour un premier voyage en solo, j'optais donc pour le Bali Asli Lodge, à Ubud, une immersion chez l'habitant car ma formatrice Made tient cette guest house avec son mari Ketut, qui est également guide touristique. 


J'avais ce projet "sous le coude" depuis 10 ans. J'avais découvert un témoignage d'une française sur le net qui parlait d'eux et de leur projet familial. Je m'étais sentie "appelée" par cet endroit et avais décrété que je serai formée par Made au massage balinais.

 

C'est donc chez eux que je posais mes valises, dans une jolie petite chambre donnant sur une magnifique végétation luxuriante, au bout de leur enceinte familiale. 


C'était très rassurant pour une femme voyageant seule, en territoire inconnu et ayant un niveau d'anglais assez pauvre... vive le langage corporel !!


Ma formation durait 7 jours, j'y restais 10. 

 

Made m'expliqua que c'était  sa grand-mère qui lui avait enseigné le massage lorsqu'elle était adolescente. Et, qu'à cette période, elle ne pouvait parfois pas aller à l'école car elle avait de grosses douleurs au dos et devais marcher plus d'1h heure pour pouvoir s'y rendre...

Grâce aux massages que lui faisaient sa grand-mère et son père, elle était grandement soulagée et pouvait reprendre le chemin des cours. 

 

A Bali, il y a un masseur dans la plupart des familles et ce savoir est transmis de génération en génération. Il se peut donc qu'il y ait des différences entre chaque massages familiaux. Made l'a d'ailleurs enseigné à sa fille Alit. 


Les massages proposés dans les spa sont encore différents. 

 

Début de la formation : 

 

1er cours : j'ai reçu le massage de Made, un pur bonheur, surtout après un si long voyage et la chaleur humide ambiante, un réel bain de jouvence réparateur...


2 ème cours : Made m'a montré le massage sur son mari Ketut, je prenais des notes car devais en mémoriser tous les gestes, comme une chorégraphie, mentalement et en les mimant avant de poursuivre le 3eme cours.

 

Lors des cours suivants, je massais Made, pendant 1h30, sans l'aide de mes notes... Elle ne me disait rien pendant le massage mais mémorisait tous mes gestes... 

Et ensuite, je m'installais à mon tour sur la table, et Made me massait à nouveau en m'apportant ses remarques et corrections. Elle reproduisait une manœuvre que j'avais faite en me disant "fait plutôt comme ça", et elle me le montrait à nouveau en le pratiquant directement sur moi afin que je puisse le ressentir.


Et ainsi de suite jusqu'à ce que je sois opérationnelle sur l'intégralité du massage. J'ai adoré cet enseignement !

 

Lors de nos échanges, un lien s'est vite tissé entre nous, Made adore plaisanter et rire. Le massage permet de créer une intimité et une ouverture aux confidences très vite. Et je la sentais ravie de transmettre lors de ces cours, mais empreinte de tristesse et de nostalgie...

 

Et Made m'a confié, après avoir reçu mon premier massage, que leur fils de 19 ans venait de décéder d'un accident de la circulation 3 semaines avant mon arrivée... 

Et que c'était lui qui lui servait de modèle quand elle donnait ses cours de massages... Et que j'étais la 1ère personne à qui elle en donnait depuis qu'il les avaient quitté...

Le choc...!! J'étais très touchée et émue de cette confidence, et admirative de l'abnégation dont Made, Ketut et leur fille Alit faisaient preuve en pleine période de deuil. 

D'autant plus émue car ce qu'ils traversaient faisait écho avec ma propre histoire, j'avais l'impression de voir mes propres parents en miroirs (bien que datant de quelques décennies en ce qui nous concerne), par rapport à leur vécu.

 

Tout leur équilibre familial a volé en éclat car à Bali, ce sont les fils aînés qui prennent soin de leurs parents lorsqu'ils deviennent trop âgés pour travailler... Quand leur fille Alit se marierait, la tradition veut qu'elle quitte ses parents pour aller s'installer dans la famille de son mari.

 

Nous avons pu partager nos expériences dans une  profonde intimité, sincérité, avec beaucoup de liberté, de bienveillance, et sans pudeur au bout du monde, alors que dans ma propre famille, cela reste un sujet tabou...

 

Dans chaque famille balinaise, il y a un petit temple et au moins une personne que sait officier pour l'équivalent des "baptêmes", les mariages et les cérémonies pour accompagner les défunts (préparatifs à la crémation et cérémonie d'adieu qui a lieu parfois jusqu'à plus de 40 jours après le décès du défunt).

Les prêtres font des calculs pour déterminer la meilleure date qui soit sur le calendrier, mais je n'ai pas compris comment ni sur quoi ils se basent exactement pour l'établir. Un prêtre extérieur intervient également lors de certaines cérémonies ayant lieu dans l'enceinte familiale. 


Le prêtre accompagnant la famille de Made lui avait conseillé de se faire masser pendant cette période de deuil. Ce fût donc chose faite... Je me suis sentie honorée d'avoir pu y contribuer.

 

Made m'a annoncé que le matin du jour de mon départ, avait lieu la toute dernière cérémonie d'adieu pour leur fils... Et qu'elle et Ketut aimeraient que je me joigne à eux pour ce moment...


C'est donc honorée et avec beaucoup d'émotions que je me suis jointe à eux. Ensuite Made m'a remis mon diplôme et il était l'heure que Ketut m'emmène à l'aéroport, à 1h30 de route avec les embouteillages. Les au revoir furent déchirants... C'est donc les yeux pleins de larmes que nous nous sommes quittés... Et je me demandais ce qu'ils allaient devenir...

 

Nous sommes restés en contact, et je suis retournée les retrouver en septembre 2019. J'ai appris avec une grande joie que leur fille Alit s'était mariée, elle a eu 2 beaux enfants, un garçon, Wira, et Dira, une fille. Ketut et Made sont donc grand-parents, ils ont osé braver les traditions en proposant à leur gendre d'emménager avec eux et de jouer le rôle que leur fils devait jouer... Ce que la famille du marié et lui ont accepté ! Tout s'est donc arrangé pour eux, bien que la famille de Ketut ne l'ai pas accepté...

 

Cette expérience fût très riche et bousculante. Avant, j'avais toujours eu très peur de mes émotions et avais tendance à "m'anesthésier" pour ne pas les ressentir.

Et j'espérais secrètement qu'en partant au bout du monde, je fuirais des émotions enfouies depuis bien longtemps, pour en ressentir de nouvelles. 


Mais la vie m'a fait "atterrir" exactement dans "ma famille balinaise miroir" !! Comme quoi, on attire et on est attiré par ce que l'on vibre, consciemment ou inconsciemment ! 

 

J'en suis revenue enrichie, comprenant qu'on ne peut pas fuir une (ou ses) émotions, et que c'est en osant lui/leur faire face, en osant la/les ressentir dans son corps physique, dans toutes ses cellules, seulement une fois qu'on s'est autorisé à en ressentir toute l'ampleur que la paix et le réconfort peuvent revenir, car on a enfin laissé de la place et autre chose peut enfin arriver...

 

C'est comme si on faisait face à une vague (qu'on peut trouver gigantesque au début !), et qu'il va falloir plonger, traverser pour enfin sortir la tête de l'eau de l'autre côté de la vague et retrouver le calme. 


Et c'est ainsi avec chaque émotion, se laisser traverser,  plonger à nouveau et recommencer, et les vagues se font plus petites, parfois les périodes plus calmes, et après avoir compris et expérimenté cela, même en pleine tempête, on sait nager... et on reprend pied beaucoup plus vite...

 

Alors merci Bali, merci la Vie, merci Made, Ketut et Alit, ainsi qu'à mes parents, ma famille et amis !

 

Amandine Germain

Quelques images de Bali- Ubud, et de mes chers Made et Ketut avec leur petit-fils Wira en tenue pour assister à une cérémonie.